Brigitte Chartreux

Directrice du CRL Franche-Comté de 2014 à 2017

Un si beau festival est un cadeau !
En arrivant en Franche-Comté, j’ai songé à ceux qui l’avaient imaginé et lui avaient donné ce nom ouvert à l’infini… Les Petites Fugues, c’est une aventure et avant tout un équipage embarqué au long cours. Tout est pensé, réfléchi, lu, commenté, organisé, outillé, équilibré, chaque édition se réinvente. L’ouvrage se prépare : faisons un point ! Je m’entends prononcer cette phrase un nombre incalculable de fois, les petites et grandes réunions se succèdent : se coordonner sans cesse, débattre, imaginer, rire, s’interroger ; les maillons s’emboîtent les uns dans les autres jusqu’à la dernière heure.

Et la fête commence, les auteurs arrivent !
L’accueil, c’est si important l’accueil, les petits mots, le sourire sur le quai de la gare, la feuille de route parfaite, les bénévoles disponibles, les repas concoctés avec chaleur.
La route s’étire, de jour comme de nuit, on a l’œil rivé sur la météo. Y aura-t-il de la neige cette année ? L’accompagnateur entend les questions ou le silence de l’auteur, il rassure, confirme que « si, si, il y aura du monde ce soir », il le mène jusqu’à la rencontre entre son livre si précieux et ce public inconnu. Parfois la bibliothécaire tremble un peu, le collégien hésite puis ose poser une question, l’auteur reçoit et donne. Et c’est le relâchement autour d’un verre, des éclats de rire, des regards, un repas avant le retour, l’envie de prolonger, mais il est déjà tard.
Chaque rencontre littéraire a sa propre histoire, elle s’est bâtie loin en amont avec tant d’heures de lecture, avec soin et enthousiasme, et laissera des traces longtemps encore.

Aujourd’hui je me souviens…
Les noms des auteurs s’égrènent, le souvenir des rencontres surgit, puis s’éloigne, les décors se plantent, les paysages colorés ou saupoudrés de neige défilent derrière la vitre.
La galerie de portraits tourne, s’arrête sur l’un, sur l’autre, revient en arrière. Des visages par centaines sont gravés, tous ces personnages qui font que Les Petites Fugues existent. Je me souviens de l’intensité, je ressens la fatigue des derniers jours, je relis les échanges de SMS le soir, chaque membre de l’équipe assurant aux autres qu’il est bien rentré, je vois l’auteur qui doute ou se réjouit, j’entends une lecture qui traverse et touche une salle entière.
Et s’impose à moi le sentiment joyeux d’avoir osé l’audace, d’avoir su avec certitude que la réussite de ce festival singulier est une question de partage.
Les mots, les images et les émotions ont laissé une empreinte, parfois la nostalgie fait irruption, mais les livres sont là, toujours vivants.