Le festival vu par...

D’autres mots, d’autres mondes

© Photo : Pascale Damourette

Biographie

Daniel Morvan a grandi dans le Finistère au sein d’une famille d’agriculteurs. Après des études de lettres à Lannion et une classe préparatoire à Rennes, il intègre l’École normale supérieure de Saint-Cloud où il réalise un film documentaire sur la fin de la...

Le festival vu par Daniel Morvan, venu en 2022

Suis-je vraiment revenu de ces petites fugues si bien nommées ? Pas sûr ! Mais assez cependant pour vous remercier, toute l'équipe, de ce que vous savez donner avec générosité. Fugue, le mot est si beau, si musical, il dit : fuite, élan, impulsion, glissement, tout ce à quoi l’on aspire en lisant, en écrivant : rencontrer le merveilleux, trouver l’autre, l’entendre prononcer d’autres mots, d’autres mondes. Et tout cela est, dès le premier jour, devenu une réalité, à laquelle j'attache des visages, des questions et des sourires, inoubliables. Et la sincérité, l’amour des livres, sans apprêt, sans affectation, et le désir d’aller plus loin, d’élargir sa propre vision en se laissant porter par la fiction. Cela même que l’on cherche dans un livre, je l’ai trouvé dans les lecteurs.

Comment oublier le groupe des premières du lycée de Pontarlier, leur brève timidité (et la mienne donc !) suivie d’un flot de questions, l’allant de leurs professeurs Marie et Sabine ? Oublier le groupe des cinq jeunes libraires du "Temps d'un livre" de cette même ville frontalière, leur détermination à proposer des ouvrages hors-pistes ? Et ce fut le grand saut dans le pays profond, au rythme de la petite conversation qui berce le voyage, un soir à Moirans-en-Montagne, un autre à Blamont… Blamont, secrète citadelle du livre ! Blamont où j’écoutai lire Françoise, où je reçus la plus belle impression de lecture du monde, d’une inconnue, avant de partager, en toute simplicité, le saumon et le vin du Jura !

D'autres fugues m’emportaient, comme dans les poèmes de la Chine classique, me laissant porter par la Toyota hybride de Florence, du côté de Fresse. Nous fîmes étape sur la colline Notre-Dame du Haut, visitant la chapelle de Ronchamp, où une sœur clarisse, sous quelques gouttes de pluie, plantait des pensées... Les miennes m'entraînent encore vers le gîte 254, au Bas à 600 mètres, dans cette maison lambrissée de conte de fées. Les cimes des sapins émergeaient des brumes bleutées. Et le joli accent franc-comtois, comme il savait faire chanter les mots de cette histoire d’océan et de phare. Tout au bout des espaces inconnus où nous allions, dans les décors du club théâtral, nous avons échangé avec des lectrices et lecteurs aux questions bien affûtées. Avec une adjointe au maire (Isabelle se souvenait de son adolescence espiègle, semblable à celle des héros fantasques de L'Orgue du Sonnenberg) ; avec Nicolas, discutant de science-fiction, après une tartiflette à l’auberge d’Angèle, dans la vallée des Mille-étangs... À Besançon j'ai aussi rencontré "les autres écrivains", ces inconnus ! Yara et Rodney décrivant leur effervescente Montréal, Madeline l’avignonnaise et son écoute délicate, Emmanuelle qui me raconta ses pérégrinations et ses projets ; Geneviève avec qui nous parlâmes d'auteurs admirés, Jean-Pierre Abraham, de Pierre Michon. Et les libraires qui, après la fermeture, ont pris la route pour tenir une table de livres… Je crois bien, rêve ou réalité, que certains soirs on se les arrachait !

Je n’oublierai pas non plus David, premier accompagnateur, et sa connaissance du monde du livre, et Solène qui m'avait accueilli à l’arrivée, apportant la vivacité de ses perceptions. Sans doute n'étais-je pas tout à fait le même lorsque Florence, après trois beaux jours d'itinérance automnale au fil des routes du Doubs, du Jura et des Vosges Saônoises, m'a déposé à la gare TGV dans le Belfort-Paris... J’avais apporté mes mots, j’ai conservé le souvenir de visages qui continuent de rayonner dans ma mémoire : Je crois que je reviendrai, comme simple touriste, en me souvenant de ce joli novembre.